Plateaux, ralentisseurs et autres aménagements

Publié le : 29 septembre 20207 mins de lecture

En trente ans, les sports mécaniques, moto ou auto, ont vu leur mortalité diminuer fortement. Pourquoi? Parce que les circuits ont été aménagés ou abandonnés pour d’autres, moins dangereux, où l’on a supprimé bordures et autres murets en béton pour créer des zones de dégagement. L’usager moyen, lui, voit se multiplier les poteaux en bois, les bordures relevées, les tertres, les rehaussements en pavé au milieu des virages, les plateaux et les ralentisseurs.

C’est le « Traffic Calming », inspiré en grande partie de l’exemple anglais. Ainsi l’entrée en zone urbaine est presque systématiquement ralentie par un rond-point.

Ces aménagements ont-ils un effet sécuritaire? En fait, ils partent d’un principe, développé dans une étude suisse, qui montre que l’augmentation ou l’élargissement des voies peut avoir un effet bénéfique, mais augmente aussi la vitesse et le trafic. Or, ce rapport, constatant que les transports en commun restent moins dangereux que le transport individuel, estime qu’il convient de décourager l’usage d’un véhicule personnel.

Plus simplement, les états européens ont évolué du concept visant à fluidifier la circulation, l’usage d’un véhicule personnel étant considéré comme un droit au concept de ‘tolérer’ l’usage de ces véhicules, en donnant, surtout en zone urbaine, la priorité aux piétons et transports en commun. Il y a cela plusieurs raisons, notamment le Protocole de Kyoto, qui impose une réduction globale de la pollution, réduction ne pouvant être obtenue que par une diminution globale du trafic. Il .faut y ajouter un engorgement croissant des axes routiers. Toutefois, ces artifices provoquent aussi des embouteillages et, partant, plus de pollution.

Comme l’indique le Rapport « Synthesis of safety… », la pose de ralentisseurs et autres artifices n’a qu’un effet limité dans le temps. Elle provoque aussi un jeu de vase communiquant, les usagers quittant leur route habituelle pour utiliser d’autres voies, ce qui est préjudiciable à la sécurité car le nombre d’accidents augmente sur ces autres voies. Enfin, après six à huit semaines, l’usager s’habitue aux bordures, ni fait plus assez attention, et on constate alors jusqu’à 50% d’accidents en plus dans les zones ainsi traitées bien que le trafic ait diminué de 30% en moyenne. Il faudrait considérer la circulation d’une zone donnée – ville, pays, fédération – comme les échanges sanguins au sein du corps (approche biologique conseillée par le prix nobel Ilya Prigovine). Boucher une artère ou une veine provoque une compensation dans les capillaires. Limiter les pulsions sanguines ou entraver le flux a un endroit donne n’est pas une solution: globalement parlant, les chiffres ne varient pas. Si l’usager est diminué – brouillard, fatigue, nuit, pluie, alcool, route inconnue – ces artifices deviennent très accidentogènes. Ils sont aussi conçus pour les automobiles, et, pour l’usager en deux-roues, principalement les motocyclistes, ils présentent un danger réel.

Les experts du rapport cité insistent sur le danger des ‘tertres’, sorte d’excroissances en béton, posées au sein des virages et des carrefours. Les bordures (bumpers) sont aussi montrées du doigt. Le ralentisseur, n’appartenant pas à l’environnement naturel des usagers, est un élément perturbateur et souvent délicat à négocier par rapport à la Loi de la VMC. Le premier automobiliste le voit, mais celui qui le suit ne peut pas toujours prévoir un brusque freinage que le profil général de la route ne permet pas de déceler.. Pour un motocycliste, même isolé, les choc – supporté au niveau des poignets – peut entraîner la perte de contrôle. Par contre les plateaux peuvent être conservés. Les giratoires (rond-points) sont plus délicats, car ils doivent non seulement être suffisamment larges pour les camions avec remorque, mais encore permettre à un automobiliste surpris par le brouillard ou de fortes pluies de ‘passer’ sans s’écraser. C’est la raison pour laquelle certains sont réalisés sous la forme d’un dôme progressif et arrondi.

Bien que le rapport n’en fasse pas état, signalons qu’en Angleterre, une route dangereuse est devenue une route sure dès que l’on a supprimé panneaux, marquage au sol, ralentisseurs, bordures, présence policière. Laissé seul juge, l’automobiliste a appliqué la Loi de la VMC et tout s’est arrangé. (source: émission TV, été 2000). En fait cette voie avait attiré l’attention des autorités qui, progressivement, l’avaient sur-reconfigurée. Plus ils augmentaient l’affichage, les parcours en zig-zag et autres îlots, plus les chiffres s’aggravaient, à un tel point qu’elles eurent recours au conseil d’un expert indépendant. Celui-ci, constatant le travail effectué fit progressivement remettre la voie dans sont état initial. A chaque soulagement de la configuration répondit une baisse significative des chiffres. Pour la petite histoire, lorsque tout fut remis au stade initial, les autorités demandèrent à cet expert s’il y avait encore quelque chose à faire pour améliorer les chiffres, devenus normaux. L’expert répondit « Oubliez cette route, ne vous y intéressez plus, ne l’entretenez même plus… ».

Selon Yannick Bourdoiseau d’auto-moto, « hormis les ralentisseurs au profil ‘hors normes’ ou mal signalés qui sont encore de véritables pièges à motards, même abordés à vitesse modérée, les ralentisseurs normalisés et correctement annoncés réduisent la vitesse. Quant au rond-point, très critiqué, il augmente effectivement légèrement le nombre de sinistres matériels mais diminue considérablement le nombre des accidents corporels comparé à un carrefour conventionnel. »

Notons que, ce ralentissement génère parfois de nouveaux problèmes: les usagers motorisés commettent plus des manœuvres imprudentes et les usagers fragiles, piétons, cyclistes, s’insèrent désormais dans le trafic. Si, en plus, il y a du brouillard, ou que c’est la nuit, ou que l’usager est fatigué, inattentif, les artifices deviennent très problématiques. Pour les routes alternatives, tous les chiffres partent à la hausse. Quant à l’idée de gêner le trafic sur les routes ordinaires afin de renvoyer systématiquement les usagers sur les autoroutes, moins accidentogènes, elle a ses limites, car on ne peut ni augmenter inconsidérément les entrées et les sorties d’autoroutes, zones dangereuses, ni obliger les petits rouleurs locaux à s’insérer dans un flux rapide de conducteurs souvent plus impliqués dans la conduite automobile.

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